Un jeune homme qu’on appellera Sylvain est admis au service pédiatrique de l’hôpital d’Armentières. La douleur qu’il subit ne se voit pas, contrairement aux autres patients du service. Sa mère l’a amené aux urgences pour le protéger de ses idées noires. Deux professionnels de la santé mentale se rendent sur place, pour l’écouter et l’aider. Des structures existent pour aider les adolescents en difficulté, certains parents ont aussi recours à des services privés, comme des psychiatres ou psychologues libéraux. Des rendez-vous, entièrement gratuits, peuvent aussi avoir lieu dans des centres de santé mentale (CSM), comme à Halluin, Tourcoing ou Armentières. Mais les demandes sont nombreuses et les délais d’attente souvent longs.
Il y a dix ans, une nouvelle forme de prise en charge a été mise sur pied au sein du service du Dr Garcin, de l’EPSM : les équipes mobiles. Par groupe de deux, les professionnels (psychiatres, psychologues, infirmiers, assistantes sociales…) se rendent là où se trouve l’adolescent, dans un délai de 24 heures. Ces rendez-vous « d’urgence » peuvent se faire à l’hôpital, dans les foyers, dans les CSM… « On n’est pas mobiles pour être mobiles, on l’est pour être disponibles », détaille Vincent Garcin. Sylvain, par exemple, a reçu à l’hôpital la visite de deux binômes, à 48 heures d’intervalle. Les entretiens, qui se font en deux temps, permettent aux jeunes de s’exprimer, dans le secret d’un bureau fermé. Les parents sont ensuite conviés à la discussion.
Donner des clés pour gérer les angoisses
Rosalie et Michaël, deux infirmiers du service, ont reçu un élève de 3e. Ce jeune homme, que l’on appellera Maxime, a déjà fait deux tentatives de suicide. Et cet été, il a fugué. Difficile de penser que Maxime est en souffrance. Il a le visage ouvert, le sourire aux lèvres. Il a des amis, une petite copine. Il n’aime pas l’école. Rien d’extraordinaire. Les deux infirmiers creusent, le font parler. Une légère dyslexie, un père qu’il préfère oublier, un conflit avec son beau-père. Autant de problématiques dont il n’arrive pas à parler. Et qui s’expriment par des passages à l’acte. Sylvain, qui vit aussi une situation complexe, résume parfaitement les choses : « Une goutte d’eau peut faire déborder le vase, mais mon vase à moi il est tout petit. »
L’objectif des équipes mobiles est de donner à ces jeunes garçons et ces jeunes filles des clés pour gérer leurs angoisses. Et pour tenter d’alléger un peu le sac de leur souffrance, elles leur proposent un parcours de soins. Des rendez-vous réguliers avec des professionnels ou la participation à des ateliers collectifs, pour se libérer à travers l’art ou l’écriture. « Chez l’adulte, la pathologie est souvent installée, mais en pédopsychiatrie, on peut encore faire bouger les choses », table, optimiste, Rosalie, qui remarque aussi que «tout ce qui s’est passé à l’enfance revient à l’adolescence, c’est presque mathématique ». Appeler à l’aide le plus tôt possible peut atténuer les problématiques à venir. Les équipes mobiles s’occupent d’ailleurs des enfants dès leur naissance.
Une souffrance sans barrière sociale
« La performance à l’école, la fragilité des représentations familialesou encore la question de la place de l’adolescent dans notre société », autant d’items récurrents que pointe Vincent Garcin, le chef du secteur de psychiatrie infanto-juvénile de l’Établissement public de santé mentale. Les vingt-trois communes de la métropole couvertes par le service représentent 270 000 habitants, dont 27 % de mineurs. « C’est une population très jeune» avec, donc, une proportion de jeunes en souffrance plus importante que dans d’autres territoires français. Dans certaines communes, le nombre de jeunes suivis est forcément plus important. Les demandes ne sont pas les mêmes à Tourcoing ou Mouvaux, par exemple. En revanche, quel que soit le bassin de population, les problématiques rencontrées sont similaires. En clair, l’aisance sociale des parents ne garantit pas la santé mentale des adolescents.
Divorce, mésentente avec les beaux-parents, maltraitance, les professionnels de l’EPSM sont confrontés à toutes sortes de situations. Certains cas nécessitent une intervention d’urgence, comme lors de tentatives de suicide. C’est le rôle des équipes mobiles. La plupart du temps, les jeunes sont reçus lors de rendez-vous dans un centre de santé mentale (CSM). Rosalie, infirmière, s’étonne de la pression croissante mise sur les enfants. « On ne leur laisse pas le temps de grandir. » « Les mamans se sentent vite coupables », complète l’infirmière, et l’Éducation nationale renvoie de plus en plus vers les CSM. Conclusion, « ces situations viennent embouteiller les services, ce n’est pas véritablement du travail de psy ». Un engorgement qui pourrait devenir comparable à celui que connaissent les urgences générales.
Bravo pour cette initiative
Denise