Ce que sont les Pairs-aidants (mercredi, 05 mars 2014)


Le « pair-aidant », l’espoir du rétablissement

Le concept de « pair-aidant » considère que les personnes qui ont vécu et surmonté un problème de santé mentale peuvent apporter une expertise spécifique pour soutenir leurs pairs dans leur rétablissement. Un accompagnement original qui impulse une dynamique nouvelle et recadre la rechute dans un processus d’évolution positif plus global.

Qui d’entre nous ne s’est jamais senti démuni face à une personne hospitalisée pour la nième fois dans son service, pour le même motif ? Qui n’a jamais été confronté aux limites de son intervention professionnelle face à une personne en rupture ou en refus de soins ? En France, depuis l’émergence des Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) en France, de nombreuses équipes perçoivent aujourd’hui l’apport inestimable que peut représenter l’entraide par les pairs dans ce type d’impasse. Le principe des « pairs-aidants », tel que nous allons le présenter ici, est de permettre à des usagers ayant suffisamment de recul par rapport à la maladie, d’intégrer une équipe de soins pour mettre à profit cette expertise issue de leur expérience. Nous tenterons donc dans un premier temps de retracer les origines de ce concept novateur et d’en définir les contours puis, nous ferons un point sur les expériences existantes. Pour finir, nous discuterons des avantages et des inconvénients de ce type de programme pour tenter d’en définir les critères de réussite.

Citation :
« Si on devait acheter mes expériences de vie au prix qu’elle m’ont coûté, personne ne pourrait se les payer ! » Nathalie Lagueux, « pair-aidante » certifiée, Québec


Comment cela a-t-il commencé ?

Le concept de « pairs-aidants » (Peer Support Worker) n’est pas nouveau. Il a émergé progressivement depuis les années quatre-vingt aux États-Unis sous l’impulsion des mouvements d’usagers. Des services de soins ont alors recruté des personnes dites « en rétablissement » dans leurs équipes, considérant que celles qui ont vécu un problème et réussi à le surmonter sont très efficaces pour aider les autres à faire la même chose. En 1978, Judi Chamberlin qui se définit comme « usager/survivant » de la psychiatrie lance un appel à ses pairs dans un ouvrage ayant pour titre « On Your Own » (1) pour qu’ils se rassemblent et parlent d’une seule voix. Elle revendique également des systèmes d’accompagnement plus proche des besoins des usagers et la reconnaissance de l’apport de l’entraide mutuelle. Cette philosophie défend donc une réappropriation du pouvoir par les usagers pour sortir des clichés dans lesquels ils se sentent enfermés dans une logique de dépendance, d’invalidité ou de chronicité. L’espoir est au centre de cette dynamique qui ne met volontairement pas l’accent sur les symptômes mais sur la possibilité de retrouver un sens à sa vie, malgré la maladie.
Un important réseau de santé communautaire s’organise alors en marge des systèmes de soin, géré « par et pour » les usagers.

• Le programme Denver (Colorado 1986/1988) (12)
Une première expérience pilote d’embauche de « pair-aidant » voit le jour en 1986 et en 1988 dans le cadre du programme Denver. Une équipe assurant le suivi en extra-hospitalier, forme et intègre quinze usagers comme intervenants, en tant qu’auxiliaires. Si toute l’énergie est concentrée sur leur formation, leur intégration est mal préparée et donc mal vécue par les usagers qui décrivent :
- une absence de description des taches ;
- une ignorance des soignants de leur formation ;
- une grande confusion des rôles avec une mise à l’écart ;
- une interprétation des réactions des usagers à partir du seul point de vue « diagnostic » ;
- le sentiment de constituer une source de main-d’œuvre bon marché.
Si cette première expérience met en évidence la nécessité de former les équipes préalablement à ce type de pratique, l’intérêt de cette nouvelle approche est nettement mis en évidence par les usagers ayant pu en bénéficier.
À partir de ce constat, l’Association Nationale des Directeurs de Programmes d’États pour la Santé Mentale (National Association of State Mental Health Program Director) reconnaît officiellement, en 1989, la contribution unique des usagers pour l’amélioration des services et accepte pour la première fois de financer des programmes d’embauche d’usagers en tant que travailleurs « pairs-aidants ». En 1990, dans « Nothing about us without us » (Rien à propos de nous sans nous) (2), un article qui fera date, Judi Chamberlain réclame que les usagers soient systématiquement impliqués à tous les niveaux dans les décisions qui les concernent.

• Le projet Wins (Michigan 1991/1993)
En 1991, une équipe du Michigan forme et embauche une vingtaine d’usagers, notamment pour l’accompagnement vers l’emploi. Ils ont pour mission de faire le lien entre les différents organismes. Ils se situent comme des « amis conseillers » (conselor-friend) et accompagnent les usagers dans différentes démarches. Les interviews de ces « pairs-aidants » soulignent une nette amélioration de l’estime d’eux-mêmes et une grande satisfaction d’avoir pu faire fructifier leur expérience d’usagers. Cependant, les critiques principales émanent du fait que ne bénéficiant que d’un statut et d’un salaire inférieur aux autres professionnels, les « pairs-aidants » se sentent « rabaissés » et parfois « dénigrés » par les professionnels, surtout les plus anciens. Ce projet permet de mettre en évidence la nécessité de proposer aux « pairs-aidants » un statut et un salaire correspondant à leur niveau réel de compétence.

• Le projet Share (Pennsylvannie 1995)
En 1995 les docteurs Salomon et Draine (3) décident d’engager une recherche scientifique rigoureuse qui vise à comparer le suivi de patients réalisé par deux équipes de quatre personnes, l’une composée exclusivement d’usagers, l’autre de professionnels, sur une durée de deux ans.
Les usagers embauchés doivent répondre à 3 critères :
- avoir reçu un diagnostic défini dans le DSM III (4) ;
- avoir été hospitalisé au moins quatorze jours ou être passé par les urgences psychiatriques au moins cinq fois sur une période d’un an ;
- bénéficier d’un suivi par une équipe de santé mentale différente de celle où ils travaillent.
Au bout de deux ans, l’étude révèle qu’il n’y a pas de différences significatives entre l’évolution des personnes suivies par les deux équipes. Il n’a pas été retrouvé notamment plus de signe de stress ou de détresse psychologique chez les « pairs-aidants ». Cependant, les auteurs constatent chez eux :
- une habileté remarquable pour aider les personnes à adhérer à leur traitement ;
- plus de contact direct avec les usagers, notamment à domicile ;
- une aide conséquente dans la restauration d’une estime de soi ;
- une diminution de la stigmatisation au sein des équipes.
Solomon et Draine concluent que les usagers peuvent être traités comme des partenaires égaux et être embauchés en tant qu’intervenants à part entière.
Des projets se sont alors développés dans différents états des États-Unis et du Canada. En l’an 2000, 30 % des équipes de suivi communautaire de l’Ontario comprenaient au moins un « pair-aidant ». Depuis 2002, les programmes PACT (Program of Assertive Community Treatment) de suivi ambulatoire prévoient la présence d’au moins un pair-aidant par équipe.


De quoi s’agit-il précisément ?

Il existe plusieurs modèles de pair-aidant ; lorsque le pair-aidant n’est pas salarié, le terme de pair-aidant bénévole pourra être utilisé. C’est le cas du programme A.P.P.E.L. (Accompagnement Par les Pairs, l’Entraide et le Loisir) mis en place par le groupe d’entraide Cafgraft à Laval ou de l’association hollandaise Vriendendienst, (‘’le service d’amis’’) (15) Le plus souvent ces volontaires sont encadrés et supervisés par des animateurs formés.
Nous avons choisi d’approfondir dans cette article le principe des pairs-aidants, encore appelé travailleur ou intervenant pair-aidant, qui sont salariés dans les équipes de soin.
Nous retiendrons donc la définition proposée par le programme Pairs-Aidants Réseau : « Le pair-aidant, fait référence à un membre du personnel vivant, ou ayant vécu, un trouble de santé mentale. A partir de son expérience de la maladie et de sa compréhension de son propre processus de rétablissement, il aide ses pairs à surmonter les obstacles et à identifier ce qui les aide à se rétablir » (4)
C’est de ce type de montage que nous débattrons plus spécifiquement dans cet article, étant bien conscient que chacune de ces différentes modalités pratiques ait ses intérêts propres.


Le Professeur Paul Morin, de l’Université de Sherbrook distingue les pairs-aidants communautaires qui sont salariés par une association indépendante et les pairs-aidants institutionnels qui sont intégrés dans une équipe soignante du service publique. C’est de ce type de montage que nous débattrons plus spécifiquement dans cet article, étant bien conscient que chacune de ces différentes modalités pratiques ait ses intérêts propres.
À Colchester, en Angleterre, par exemple, le programme StaR (Support with Time and Recovery) vise à embaucher dans une équipe de suivi ambulatoire des personnes bénéficiant d’une allocation à cause de leur handicap psychique.
De façon générale, le « pair-aidant » à pour rôle de :
- redonner espoir aux personnes utilisatrices des soins en santé mentale puisqu’il a lui-même affronté et franchi les obstacles liés à la maladie mentale et qu’il a développé des stratégies facilitant le processus de rétablissement ;
- soutenir et responsabiliser la personne utilisatrice dans la reprise du pouvoir sur sa vie (notion d’empowerment) en l’aidant à mobiliser ses ressources de résilience ;
- apporter son expertise pour encourager le développement d’une culture d’équipe dans laquelle le point de vue et les préférences de chaque usager sont reconnus, compris, respectés et intégrés dans les projets de vie (6).
Le paradigme sur lequel s’appuie le « pair-aidant » est donc le rétablissement (recovery). Il n’y a pas une définition du rétablissement car chaque usager peut avoir la sienne. Ce processus décrit par l’Américaine Patricia Deegan (7), docteur en psychologie clinique et usagère, est fondé sur la croyance profonde que le rétablissement est toujours possible, quelle que soit la gravité des troubles. Pour elle, l’espoir est ni plus ni moins la clé du rétablissement. En 1996, elle écrit : « Le but du rétablissement n’est pas l’absence de symptôme ou le fait de devenir “normal”, c’est une façon de vivre, une attitude et une façon de relever les défis de la vie de tous les jours. Ce n’est pas un processus linéaire mais une trajectoire qui comprend des reculs et des avancées ». Selon le Georgia Certified Peer Support Project (8) le rétablissement est un processus de reprise de contrôle sur sa vie et de la direction que l’on veut lui donner et ce, au-delà du diagnostic psychiatrique et des pertes qui lui sont généralement associées. Au retour d’un voyage au Canada, en collaboration avec deux usagers (Mr Ethuin et Mme Thibaut, tous deux présidents de GEM), nous avons élaboré la définition suivante : « Le rétablissement est la reconquête des territoires perdus à la suite d’un problème de santé mentale et la découverte de ressources souvent insoupçonnées, ouvrant de nouveaux horizons » (9).


De quoi ne s’agit-il pas ?

Le « pair aidant » n’a, en aucun cas, pour fonction de se substituer aux services de santé mentale existants mais d’offrir une alternative spécifique et complémentaire aux interventions des soignants. Il s’engage à respecter le code éthique des « pairs-aidants » qui délimite les grands principes de leurs interventions, comme celui de la confidentialité absolue ou de l’interdiction de développer des relations intimes avec les bénéficiaires. Le « pair-aidant » n’aura pas non plus pour mission de représenter les usagers dans les institutions. L’intervention d’un travailleur « pair-aidant » est à aussi différencier de l’entraide mutuelle qui se fait bénévolement dans les GEM, car, et c’est ce qui peut parfois nous heurter culturellement, nous sommes ici bien dans le cadre d’un travail rémunéré.


Pour qui ?

Il n’existe pas de diplôme spécifique, ni de profil type pour devenir « pair aidant ». Ce type de fonction s’adresse à toutes personnes ayant vécu un parcours de soins en santé mentale et validé une formation spécifique. Il faut considérer que la plus grande majorité des personnes en rétablissement ne sont plus suivies par les services de soins. C’est pourquoi les offres de « pair-aidant » peuvent passer par les circuits classiques de recherche d’emploi, type Agence Nationale pour l’Emploi. Les qualités recherchées chez le futur « pair-aidant » seront la capacité à connaître et à reconnaître sa maladie, être capable d’analyser les facteurs qui ont favorisé son propre rétablissement ainsi que sa faculté à s’intégrer dans une équipe. La formation sera l’occasion pour le futur « pair-aidant » d’avoir une vision introspective sur son propre parcours de rétablissement pour en identifier les forces qui pourront être ensuite mises au service d’autrui. (6)


Intérêts et limites

• Les intérêts
Voici quelques résultats d’études répertoriées dans la littérature qui décrivent les nombreux bénéfices liés à l’embauche de « pairs-aidants ».
- Pour les bénéficiaires : la présence de soutien par les pairs produit des impacts positifs significatifs en terme de qualité de vie, de réduction des symptômes, de nombre de crises et de diminution des journées d’hospitalisation (10).
- Pour les « pairs-aidants » : le fait d’être embauché en tant que tel augmente l’estime de soi et le sentiment de reprise de contrôle sur sa vie (8). Selon Marie-Christine Thibaut (11), « les pairs-aidants représentent un bonne alternative pour rebondir professionnellement pour des personnes ne pouvant plus exercer leur ancienne profession ».
- Pour les équipes de soin et l’entourage : Daniel Gélinas, travailleur social à Montréal, note que les expériences d’intégration de « pairs-aidants » provoquent une évolution inévitable de la culture professionnelle du personnel soignants (12). Une amélioration de travail en partenariat est également actuellement remarquée au Québec du fait de l’effet « passerelle » que créent les « pairs-aidants » entre les milieux de soin et les lieux d’intégration dans la cité.

. Les limites
-Recrudescence des symptômes chez le « pair-aidant » : les études convergent pour dire que le fait d’être embauché en tant que « pair-aidant » peut dans un premier temps, réactiver certains symptômes, notamment anxieux, chez la personne du fait d’être confronté à de nouvelles responsabilités professionnelles. Cependant, une amélioration globale de la qualité de vie a été constatée à plus long terme. Le « pair-aidant » devra en cas de difficulté trop importante, se tourner vers son réseau de soutien et de soin propre et non vers ses collègues de travail. Il est cependant bien établi que le « pair-aidant » à droit, comme tout un chacun, d’exprimer de la colère, de la tristesse et du stress sans que cela soit mis sur le compte de ses troubles psychiques (10).
- Stigmatisation : une des barrières les plus significative relatée dans de nombreuses études est la stigmatisation que peuvent vivre les « pairs-aidants » au sein même des équipes de soin. Cela s’exprime par un manque d’estime ou une sous-estimation de leurs compétences. Il semble toutefois que ceci s’estompe au fur et à mesure que le « pair-aidant » prend sa place dans l’équipe.
- Confusion des rôles : Selon le programme Share, il n’est pas souhaitable que le « pair-aidant » travaille au sein le milieu de soin où il a été lui-même suivi pour éviter la confusion des rôles. Cependant, le « pair-aidant » ayant une double casquette - à la fois usager et intervenant - a un grand risque pour lui-même ou ses partenaires d’avoir des difficultés à bien cerner son statut dans l’équipe. Par ailleurs, les usagers pourrait avoir une réaction de « rejet » par rapport « pair-aidant » qui serait passé « de l’autre coté de la barrière ».
- Du fait de son vécu le « pair-aidant » peut avoir l’impression que, son intervention est forcément meilleure que celle des autres professionnels, ce qui est faux. Avoir l’humilité de reconnaître la compétence des soignants et s’inscrire dans la complémentarité et non dans la compétition sera une qualité recherchée chez le pair-aidant pour éviter de tomber dans le « Syndrome du sauveur ». 


Et aujourd’hui ?

Aux États-Unis, les états les plus avancés dans la mise en place de ces programmes de « pairs-aidants » sont la Georgie et la Caroline du Sud où le gouvernement fédéral finance des programmes. En 2008, pour le seul état de la Géorgie, 385 « pairs-aidants » ont été formés. La moitié d’entre eux travaillent dans les centres d’entraide mutuelle et l’autre sction des symptômes, de nombresprésenter e dans un processus d'tablissement. bécois pairs-Aidants résau, association québécoisemoitié au sein des équipes de suivi intensif. A travail similaire, les barèmes de rémunération sont les mêmes que pour les autres employés. Il s’agit donc d’un nouveau profil de travailleur au sein du système de soin, reconnu au même titre que les autres en fonction de sa spécificité. Des programmes d’embauche de « pairs-aidants » sont également recensés en Écosse, en Angleterre, au Danemark, en Nouvelle Zélande et en Australie.
Au Québec, le Plan d’Action en Santé Mentale 2005-2010 a fixé comme ambitieux objectif que 30 % des équipes de suivi intensif dans le milieu embauche au moins un « pair-aidant » d’ici la fin du Plan. Le premier travailleur « pair-aidant » francophone, a été employé au Québec en 2005, à l’hôpital Robert Giffard. En 2006, Nathalie Lagueux et Diane Harvey (13) ont élaboré à partir des expériences précédentes une stratégie d’intervention visant à mettre en place des programmes d’embauche de « pairs-aidants ». Ce programme P.A.R. (Pairs-Aidants Réseau) financé par le Ministère de la Santé et des Services Sociaux comprend trois étapes : la promotion, la formation des milieux d’embauche, des usagers, ainsi que leur soutien. En 2008, treize milieux d'embauche ont été préparés, vingt-six « pairs-aidants » ont été formés dont treize sont actuellement embauchés. En France, à Marseille, Herman Handlhuter, un travailleur « pair-aidant » a été salarié dans une équipe de l’association Médecins du Monde (MDM) à l’initiative du Dr Vincent Girard pour travailler avec les personnes sans domicile fixe et ayant des troubles psychiques (cf. article p. ?).


Pour ne pas conclure

Nul ne peut plaquer sur autrui son propre modèle de rétablissement, surtout lorsque face à une personne en rechute. Sur le terrain les expériences existantes montrent que la rencontre avec un pair incarnant un espoir de rétablissement à la faculté de mettre en mouvement une personne pour qu’elle mobilise ses forces afin de trace son propre chemin. Un processus d’identification, parfois d’imitation, et le plus souvent d’inspiration, va souvent spontanément faire renaître l’espoir et lui donner envie de se relever. « Alors moi aussi je peux y arriver ? ». En participant à la formation de préparation des équipes avec les Québéçois, nous avons constaté que si le développement de programmes de type « pair-aidant » se heurte, au départ, à différentes de réticences (institutionnelles et idéologiques) ; c’est bien qu’il bouscule tout notre système de croyance. Comme le dit justement Diane Harvey, « laisser une place à quelqu’un qui va forcément par son éclairage nouveau nous déstabiliser dans nos certitudes, implique inévitablement un deuil de pratique… ». En matière de déstigmatisation, comme ailleurs, n’est-on jamais mieux servi que par soi-même ?

Par :
Patrick Le Cardinal, Praticien en santé mentale EPSM Lille Métropole, Chargé de mission au Centre Collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS Lille, France)
Jean-Luc Rœlandt, Psychiatre des Hôpitaux, Chef de service EPSM Lille Métropole, Directeur du CCOMS (Lille, France)
Stéphanie Roucou, Usagère, Professeur des Ecoles spécialisées dans le handicap mental et psychique, Collaboratrice Associée au CCOMS.
Nathalie Lagueux, Travailleuse Sociale, Usagère, Coordination du programme québécois Pairs-Aidants Réseau, Association Québécoise pour la Réadaptation Psycho-sociale (AQRP).
Diane Harvey, directrice générale de l’Association Québécoise pour la Réadaptation Psycho-sociale (AQRP), gestionnaire du programme québéçois Pairs-Aidants Réseaux.




Lire aussi
Roelandt J.-L., Daumerie N., Caria A., Changer la Psychiatrie pour Déstigmatiser. Santé mentale, n° 115, février 2007 pp 16-21 ; www.santementale.fr

1-Chamberlin J., On Our Own : Patient-controlled Alternatives to the Mental Health System, Hawthorn books, Inc, New York, 1978.
2-Chamberlain J., The Ex-patients’Movement, Where we’ve been and where we’re going, the journal of mind and behaviour, 1990.
3-Solomon P, Draine J, The Efficacity of a Consumer Case Management Team : deux year out-comes of a randomized trial, journal of mental Health Administration, 1995.
4-DSM III, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, American Psychiatric Association, 1974.
5-Bolle A., Discriminations : l’alliance des usagers, des équipes et des élus contre la stigmatisation, Information Psychiatrique, Vol 83, n° 8, p695-697, octobre 2007.
6-Lagueux N., Harvey D., Charles N., Manuel du participant. Guide de référence, Embauche et Intégration de pairs-aidants dans les services de santé mentale, Programme Québéçois pairs-Aidants Réseau, Québec, 2008.
7-Patricia E. Deegan est aujourd’hui docteur en psychologie clinique aux États-Unis à l’issue d’un parcours de vie tout à fait exceptionnel et en dépit d’une maladie mentale (diagnostiquée « Schizophrène » à l’âge de 17 ans. Cf article Santé mentale, n° 106, mars 2006, dossier sur la réhabilitation psychosociale ; www.santementale.fr
8-Georgia CPS Project. Participant’s Manual, Géorgia, 2006. La mission de cette association d’usagers de Géorgie est d’entraîner, de certifier et de fournir le soutien et l'éducation aux consommateurs de services de santé mentale, et notamment des « pairs-aidants », afin de promouvoir l'autodétermination ; www.gacps.org
9-Le Cardinal P., Ethuin C., Thibaut M.-C., Quand la Conquête de la Citoyenneté Renverse le Cycle de la Stigmatisation, L’information psychiatrique, vol 83, n° 10 decembre 2007.
10-Peer support ressource manuel, 2001.
11-Fédération Nationale des Patients en Psychiatrie ; www.fnapsy.org
12-Gélinas D., Participation grandissante des usagers au sein des services de santé mentale, Le Partanaire, vol 14, n°1, 2006 ; http://www.aqrp-sm.org/publications_bulletin.html
13-Harvey D., Lagueux N., Bilan de phase I. Programme Québécois Pairs-Aidants Réseau, 2006 ; http://www.aqrp-sm.org


Encadré
Paroles d’usagers

Pour Liz Sayce, une ex-usagère londonienne, « le plus gros handicap des usagers dans leur processus de rétablissement est la manière dont la société les exclut et les stigmatise. Il existe un véritable mur social invisible entre eux et nous, si nous voulons nous en libérer, il faut le démonter pierre par pierre en montrant de quoi nous sommes capables ».
Pour Richard Langlois, auteur de l’ouvrage « Le fragile équilibre »* « les pairs-aidants ont été les plus précieux pendant ma convalescence ; ces gens qui ont un vécu dans la maladie peuvent de venir de précieux atouts. C’est par eux que je sors de mon isolement… à condition que j’y perçoive une expérience positive (…) Nos réseaux de la santé auraient grandement intérêt à utiliser l’expérience de grande valeur de ces individus, compte tenu de l’espoir qu’il représentent ».
Roy Muise, usager canadien (2), entraîné dans une grave dépression, a trouvé dans un groupe de pairs la force de remonter progressivement la pente. « Enfin quelqu’un m’a parlé d’espoir, je me suis senti respecté en tant que personne au-delà de ma maladie ». Roy Muise a suivi la formation de « pair-aidant certifié » en Géorgie aux États-Unis et travaille actuellement pour un organisme communautaire : la Self Help Connection. « Je ne considère pas cela comme un travail car je fais cela avec mon cœur, je tends la main à mes pairs en disant : “J’ai été dans la même situation que toi, aujourd’hui je suis la pour t’aider”, cela me paraît naturel car en aidant les autres, je sens que je m’aide moi-même. Je partage leurs rêves, je comprends leurs chagrins et me réjouis de leurs victoires ».
1- Langlois R. Le fragile équilibre. Témoignage et réflexions sur la maniaco-dépression et la santé mentale, Ed. Le dauphin blanc, 2004.
2- Mai 2006, XIIIe colloque de l’AQRP (Association Québeçoise pour la réadaption psychosociale), Chicoutimi au Québec.


Encadré
Recherche-Action Pair-Aidant du Centre Collaborateiru de l’OMS (Lille, France)
Depuis deux ans, le Centre Collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) mène une recherche-action sur le thème des « pairs-aidants ». La première action a été d’intégrer dans l’équipe de recherche Stéphanie Roucou (1), une usagère en tant que collaboratrice du fait son expertise liée à son expérience de la maladie psychique. Cela nous a obligés à modifier nos manières de travailler et nous a contraint à prendre en compte le vécu de l’usager dans ses moindres détails. Nous avons ensuite organisé des Journées de recherche en invitant différents experts, au niveau international, à débattre sur la question des « pairs-aidants » pour avoir une idée des différents modèles existants. La dernière étape de cette phase de sensibilisation, a été en décembre 2008, le montage d’une formation en partenariat avec la FNAPSY, le CCOMS et l’EPSM Lille Métropole par, Nathalie Lagueux et de Diane Harvey, promotrices du projet Pair Aidant Réseau. La formation a été dispensée à 25 professionnels issus de 5 secteurs de psychiatrie puis à 10 usagers.

Ces bases théoriques vont nous permettre de monter notre propre plan d’action en vue de la mise en place d’un programme « pair-aidant » au niveau de l’institution.
Une journée de sensibilisation a été également organisée le 15 décembre 2008 sur le thème, ‘’les Pairs-Aidants un nouveaux type d’intervenant en santé mentale’’ à l’intention des décideurs nationaux, en présence des différentes parties, pour solliciter leur appui politique pour développer ce type de projet en France.

1- Roucou S., La reconnaissance de l’usager en santé mentale : Création d’une formation de Pair-Aidant pour les usagers, Mémoire de Master I en science de l’Education et Formation des Adultes, Lille I CUEPP Angelier, 2007.
2- Harvey d, Lagueux N, Bilan de phase I. Programme Québécois Pairs-Aidants Réseau, 2006 : http://www.aqrp-sm.org

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